Prélude à la Dépression: M. Hoover et le Laissez-Faire

Par Murray Rothbard

 

Si un gouvernement veut adoucir, plutôt qu’aggraver les effets d’une dépression, la seule méthode valable est de ne pas intervenir dans celle-ci. C’est seulement s’il n’y a pas d’interférence, directe ou par la menace, dans le mécanisme d’ajustement des prix, des salaires et la liquidation que les ajustements se feront rapidement et sans heurts. Toute tentative pour voler au secours d’entreprises chancelantes retarde la liquidation et aggrave des conditions malsaines. Intervenir pour prévenir une chute des salaires crée du chômage à grande échelle, et stimuler les prix perpétue et crée des surplus invendus. De surcroît, des coupures drastiques autant dans les dépenses gouvernementales que dans les taxes accéléreront l’ajustement en changeant les choix sociaux vers d’avantage d’épargne et d’investissements par rapport à la consommation. Parce que les dépenses gouvernementales, quelle que soit l’étiquette qu’on leur appose, ne sont que de la consommation ; toute coupure dans le budget fait donc grimper le ratio investissements consommation dans l’économie et permet une validation plus rapide de projets à l’origine inutiles dont le rendement est négatif. Donc, l’injonction adéquate à un gouvernement en temps de dépression est de laisser l’économie tranquille. Les thèses économiques à la mode considèrent un tel précepte comme dépassé ; à la place, celles-ci ont maintenant plus de support qu’au dix-neuvième siècle.

Le laissez-faire était, en gros, la politique traditionnelle suivie par l’Amérique avant 1929. Le précèdent concernant la politique du laissez-faire fut établi pour la première fois lors de la grande dépression de 1819 aux Etats-Unis alors que la seule politique du gouvernement fut de faciliter les conditions de paiement pour ses propres débiteurs. Le président Van Buren adopta aussi une politique de laissez-faire pendant la panique de bancaire de 1837. Les gouvernements américains subséquents, du moins au niveau fédéral, suivirent un chemin similaire, les « pêcheurs » principaux étant seulement les gouvernements des états qui permirent périodiquement aux banques non solvables de continuer leurs opérations sans se plier à leurs obligations de paiement.[1] Pendant la dépression de 1920-1921, l’intervention gouvernementale fut plus importante, mais ont permit aux salaires de chuter et les dépenses gouvernementales (ainsi que les taxes) furent réduites. Et cette dépression prit fin au bout d’un an dans ce que le Dr. Benjamin M. Anderson a appelé "notre dernière reprise naturelle vers le plein emploi."

Le laissez-faire, à l’époque, était la politique dictée autant par des théories valides que par les précédents historiques. Mais en 1929, cette trajectoire saine fut brutalement modifiée. Mené par le président Hoover, le gouvernement s’embarqua dans ce que Anderson qualifia correctement du "New Deal de Hoover." Parce que si nous définissons le terme "New Deal" par un programme anti-dépression marqué par une planification économique gouvernementale importante et une intervention de l’état, incluant la stimulation des prix et des salaires, l’expansion du crédit, le sauvetage des entreprises en difficulté et un accroissement des dépenses publiques -Herbert Clark Hoover doit être considéré comme le fondateur du New Deal en Amérique. Hoover, dès le début de la dépression, s’embarqua dans une politique qui violait toutes les règles du laissez-faire. Conséquemment, il quitta son poste alors que l’économie s’enlisait dans une profonde dépression d’une envergure sans précédent, sans qu’aucun signe de reprise ne se soit manifesté après trois ans et demi, alors qu’un taux de chômage terrible et sans précédent de 25 pourcent frappait de la main d’œuvre.

Le rôle de Hoover comme fondateur d’un programme révolutionnaire de planification gouvernementale pour combattre la dépression a été injustement négligé par les historiens. Franklin D. Roosevelt ne fit pratiquement qu’élaborer à partir des politiques mises en place par son prédécesseur. Tourner en dérision l’échec tragique de Hoover face à la dépression comme un exemple typique de laissez-faire est une dénaturation monstrueuse des données historiques. La déroute de Hoover doit être considérée comme un échec de la planification gouvernementale et non un échec de l’économie de marché.

Pour dresser un portrait des efforts interventionnistes de l’administration Hoover afin de mettre fin à la dépression nous pourrions citer le résumé qu’Hoover fit de sa politique pendant sa campagne présidentielle à l’automne 1932 :

«  Nous aurions pu ne rien faire. Ceci aurait causé notre ruine. Au lieu de quoi nous avons décidé de faire face à cette situation avec des propositions aux entreprises privées et au Congrès pour mettre sur pied le plus gigantesque programme économique de défense et de contre-attaque qui n’ait jamais existé dans l’histoire de la république. Nous l’avons mis en branle […] Aucun gouvernement à Washington n’avait jusqu’ici considéré qu’il était de sa responsabilité de montrer du leadership dans de telles circonstances...Pour la première fois dans l’histoire des dépressions, les dividendes, les profits, et le coût de la vie ont été réduits avant que les salaires ne souffrent. Ils ont été maintenus jusqu’à ce que le coût de la vie décroisse et que les profits disparaissent pratiquement. Il s’agit maintenant des salaires réels les plus élevés au monde.[..]
Créer de nouveaux emplois et donner au système un nouveau souffle de vie ; à aucun moment dans notre histoire n’a-t-on élaboré quelque chose qui puisse faire d’avantage pour… "la majorité des homes et des femmes." Certains économistes réactionnaires affirmaient que nous devrions permettre a la liquidation de suivre son cours jusqu’a ce que nous atteignions le fond…Nous avons déterminé qu’il ne fallait pas suivre les recommandations des liquidationnistes jusqu’au boutistes et voir l’ensemble des débiteurs des Etats-Unis être conduits a la ruine et les économies de nos gens s’envoler en fumée. [2]

Développement de l’Interventionnisme de Hoover: Le Chômage

Hoover, bien entendu, n’embrassa pas les idées interventionnistes du jour au lendemain. Il est instructif de voir comment celles-ci ont fait leur chemin dans son esprit et comment elles se sont répandues dans le pays au complet, si nous voulons comprendre comment Hoover a pu aussi facilement, avec des appuis solides à travers le pays, aller à l’encontre des politiques adoptées pendant toutes les dépressions précédentes.

Herbert Clark Hoover était un politicien "tourné vers l’avenir ". Nous avons vu auparavant que Hoover s’était fait le pionnier d’une politique d’intimidation envers les banquiers concernant les emprunts à l’étranger. Toutes les interventions de Hoover étaient caractérisées par une politique de main de fer dans un gant de velours. En premier lieu, l’homme d’affaires se faisait exhorter à adopter « volontairement » les mesures que le gouvernement désirait, mais une menace implicite d’un contrôle obligatoire planait si l’entreprise ne se pliait pas « volontairement » à ces mesures.

Lorsque Hoover revint aux Etats-Unis après la guerre suite à un long séjour à l’étranger, il apportait dans ses bagages la suggestion d’un « Programme de Reconstruction ». De tels programmes sont bien connus de la présente génération, mais ils constituaient un fait nouveau aux Etats-Unis à cet âge d’innocence. Comme tout programme de ce type, celui-ci en était un de planification gouvernementale lourde, où une coopération "volontaire" était envisagée sous la gouvernance d’une "direction centrale." [3] Le gouvernement était censé corriger "nos déficiences marginales"-incluant les systèmes d’éducation et de santé sous-développés, les déchets industriels, une absence de politique de conservation des ressources, la mauvaise habitude de résister à l’implantation des syndicats, et le chômage saisonnier. On trouvait dans le plan de Hoover un accroissement de la taxe sur les héritages, la construction de barrages publics, et, de façon plus significative, une régulation de la bourse et du marché des actions afin d’éliminer la "spéculation vicieuse." On trouve donc ici la trace d’une hostilité ancienne de Hoover à l’égard de la bourse, une hostilité qui devait former l’un des leitmotivs de son administration.[4]

Hoover, et c’est tout à son honneur, ne prétendit jamais être le défenseur ardent du laissez-faire contrairement à ce que la plupart des gens croient aujourd’hui et il pris note que quelques uns dénonçaient son programme comme "radical"-comme il se doit. Hoover se montra tellement "tourné vers l’avenir" dans son programme que Louis Brandeis, Herbert Croly du New Republic, le colonel Edward M. House, Franklin D. Roosevelt, et d’autres démocrates proéminents volèrent plusieurs de ses idées.[5]

Hoover continua de défendre l’interventionnisme dans plusieurs secteurs pendant les années 1920. Ce qui nous intéresse le plus est la conférence sur la gestion des relations de travail que Hoover dirigea de 1919 à 1920, après avoir été nommé par le président Wilson en association avec le Secrétaire au Travail William B. Wilson, un ancien officiel de la United Mine Workers of America. La conférence, qui comptait des hommes "tournés vers l’avenir" comme les représentants de l’industrie Julius Rosenwald, Oscar Straus, et Owen D. Young, des dirigeants de syndicats, et des économistes tels que Frank W. Taussig- recommenda l’adoption de négociations collectives plus larges, critiqua les "syndicats maison," lança un appel en faveur de l’abolition du travail des enfants, et en appela à la mise sur pied d’un régime de retraite, moins d’heures de travail, de "meilleurs logements," l’assurance maladie, et la médiation du gouvernement lors de conflits de travail. Ces recommandations reflétaient le point de vue de Hoover.[6]

Hoover fut nommé Secrétaire au Commerce par le président Harding en mars 1921 alors qu’il était sous la pression de l’aile gauche du parti républicain, menée par William Allen White et le juge Nathan Miller de New York. Hoover fut l’un des premiers de la race moderne des politiciens, ceux qui peuvent au besoin se tailler une niche dans n’importe lequel des deux partis. Nous avons vu que le gouvernement suivit largement une politique de laissez-faire pendant la dépression de 1920-1921, mais certainement pas sous l’impulsion de Hoover, qui était en désaccord. Bien au contraire, il "se donna comme objectif de reconstruire l’Amérique."[7] Il accepta cette nomination seulement à condition d’être consulté sur toutes les politiques économiques du gouvernement fédéral. Il était résolu à transformer le département du commerce en un "interprète économique du peuple américain (et ils en avaient grand besoin)."[8] Hoover avait à peine pris ses fonctions qu’il commença à organiser une conférence économique et un comité sur le chômage. Le comité établit une branche dans chaque état où on trouvait un nombre substantiel de chômeurs, parallèlement à l’implantation de sous branches dans des communautés locales et des Comités d’Urgence Municipaux dans 31 villes.[9] Le comité apporta de l’aide aux sans emploi, et organisa aussi la collaboration entre les gouvernements locaux et le gouvernement fédéral.
Comme Hoover le mentionne:

«  Nous avons développé la coopération entre les gouvernements fédéral, municipaux et les gouvernements des états afin d’accroître les travaux publics. Nous avons persuadé les employeurs de "diviser" les heures de travail entre les employés afin qu’un maximum d’entre eux puisse disposer d’une source de revenu. Nous avons organisé les industries pour qu’elles entreprennent des rénovations, des réparations, et lorsque la chose était possible, lancent des travaux de construction.[10]

La Standard Oil du New Jersey annonça une politique où ses employés les plus anciens seraient mis à pied en dernier, et elle accrut ses réparations et la production destinée à l’inventaire; la U.S. Steel investit aussi $10 million dans des réparations immédiatement après la conclusion de la conférence.[11] En bref, les grosses entreprises furent les premières à accepter.

For heureusement, la dépression était pratiquement terminée au moment où ces mesures prirent effet, mais une ombre sinistre se profilait derrière les dépressions futures, une ombre qui se matérialisa lorsque le crash de 1929 survint. Une fois de plus, ces mesures portaient l’empreinte de Hoover ; la planification et la coercition gouvernementale furent enrobées d’une rhétorique sur la "coopération volontaire." Il parla de celles-ci et suggéra des mesures de "mobilisation des entreprises manufacturières et des employeurs dans le cadre d’une action de coopération avec nos organismes publics et les autorités locales." Et alors entra en usage l’analogie sur la guerre qui nous est trop familière aujourd’hui: "Nous nous épargnerions une quantité infinie de misère si nous démontrerions pour la reconstruction, dans chaque communauté, le même esprit de coopération spontané que nous avons démontré pour la guerre."

Bien que le gouvernement n’intervint pas outre mesure pendant la récession de 1920-1921, il y avait dans l’action gouvernementale les germes inquiétants du New Deal. En décembre 1920, la War Finance Corporation fut réinstaurée afin d’aider les fermiers à exporter, et la Foreign Trade Financial Corporation se fit allouer un budget de $100 million lors de sa création. L’agitation des fermiers contre la vente à découvert entraîna le Capper Grain Futures Act à partir d’août 1921 afin de régulariser le commerce du grain. De surcroît, au niveau des états, celui de New York adopta des lois qui restreignaient les droits d’éviction des propriétaires ; le Kansas créa une cour industrielle afin de réguler toutes les industries importantes en tant que "services publics"; et la Non-Partisan League conduisit des expériences socialistes dans le Dakota du Nord.[12]

Le développement le plus important de tous fut peut-être la Conférence Présidentielle sur le Chômage, convoquée par Harding à l’instigation de l’inépuisable Herbert Hoover. Ceci était probablement un présage fatidique des politiques anti-dépression à venir. Environ 300 personnalités importantes des milieux industriels, bancaires et syndicaux se rencontrèrent le 21 septembre 1921 afin de discuter du problème du chômage. Le discours du président Harding lors de cette conférence était rempli de bon sens mais fut aussi le chant du cygne des vielles méthodes utilisées lors des dépressions. Harding déclara que la liquidation était inévitable et attaqua la planification gouvernementale et toute suggestion concernant de l’aide provenant du Trésor. Il déclara, "Une stimulation excessive par cette source doit être considérée comme une source de problèmes plutôt qu’un remède."[13]

Il est clair qu’aux yeux des membres de cette conférence, les mots de Harding étaient des obstacles à la roue du progrès, et ils furent rapidement ignorés. Les invites préférèrent de toute évidence le discours d’ouverture de Hoover qui annonçait que l’ère de la passivité était maintenant terminée ; Hoover était convaincu que, contrairement à ce qui s’était passé lors des autres dépressions, le gouvernement devait "faire quelque chose." [14] Le but de la conférence était de promouvoir l’idée que les gouvernements devaient être tenus responsables des dépressions, même si les commanditaires de cette conférence n’avaient aucune idée du rôle que devait jouer le gouvernement dans un tel cas. Les étapes importantes, aux yeux des meneurs, étaient d’en appeler à la nécessité d’une planification gouvernementale pour combattre les dépressions et renforcer l’idée que des travaux publics apporteraient un remède à la dépression.[15] La conférence fit avec insistance l’éloge de l’expansion des travaux publics en cas de dépression et demanda qu’un plan soit coordonné par les différents palliés de gouvernement.[16] Pour ne pas être en reste, l’ancien président Wilson, en décembre, ajouta son appel afin qu’on mette sur pied un programme fédéral de travaux stabilisateurs.

Les agitateurs en faveur de travaux publics furent désappointés de voir que la conférence n’allait pas aussi loin qu’ils le désiraient. Par exemple, l’économiste William Leiserson pensait qu’un Conseil Fédéral du Travail "agirait sur le marché du travail d’une façon similaire à ce que la Réserve Fédérale faisait pour les banques et les taux d’intérêt." Mais les plus malins virent qu’ils avaient fait des gains majeurs. Suite à la conférence de Hoover, deux fois plus de bonds municipaux pour des travaux publics furent mis en circulation que pour n’importe quelle autre année. L’aide fédérale aux états pour la construction de routes totalisa $75 millions à l’automne 1921, et l’intérêt de l’opinion publique américaine concernant ce sujet fut soulevé.

Ce n’est pas par accident que la conférence s’orienta vers la défense de politiques interventionniste. Comme il arrive souvent dans des conférences de ce type, un petit groupe de membres du personnel, en parallèle avec Herbert Hoover, prépara les recommandations que les illustres hommes de paille ratifièrent.[17] Le secrétaire du crucial Public Works Committee de la conférence était Otto Tod Mallery, depuis longtemps l’un des partisans les plus acharnés au pays concernant une politique de travaux publics en temps de dépression. Mallery était l’un des membres et le guide spiritual du Pennsylvania State Industrial Board et secrétaire de la Commission d’Urgence pour les Travaux Publics de Pensylvanie, qui avait fait office de pionnier en matière de planification de travaux publics, et les résolutions de Mallery citèrent sérieusement le cas de la Pennsylvanie et la Californie comme des exemples à suivre pour le gouvernement fédéral.[18] Mallery était l’un des dirigeants spirituels de l’American Association for Labor Legislation (AALL), une organisation formée d’éminents citoyens et économistes dédiés à la promotion de l’intervention gouvernementale sur le marché du travail, dans les questions relatives au chômage et l’assistance publique. L’association avait tenu la première conférence nationale sur le chômage au début de 1914. Maintenant, son directeur exécutif, John B. Andrews, se targua que les recommandations de la Conférence Présidentielle s’apparentaient aux recommandations formulées par l’AALL en 1915. Ces recommandations standard mentionnaient des travaux publics et de l’aide d’urgence, aux salaires qui prévalaient habituellement pendant la période de prospérité précédente car ceux-ci devaient supposément être maintenus.[19] Ce n’est pas non plus par coïncidence que la conférence s’orienta vers des politiques chères à l’AALL. A part le rôle critique joué par Mallery, la conférence se basa sur l’expertise des économistes suivants, qui étaient tous des officiels de l’AALL : John B. Andrews, Henry S. Dennison, Edwin F. Gay, Samuel A. Lewisohn, Samuel McCune Lindsay, Wesley C. Mitchell, Ida M. Tarbell, Mary Van Kleeck, et Leo Wolman.[20]

Il apparaît clairement que les homes d’affaire présents à la conférence n’étaient pas supposés jouer un rôle dans le façonnement des politiques ; leur fonction était de se faire endoctriner par la ligne Hoover-AALL et de répandre l’évangile interventionniste auprès des autres hommes d’affaire.

Andrews parla de façon élogieuse de Joseph H. Defrees, de la Chambre de Commerce des Etats-Unis, qui en appela à plusieurs organisations d’affaires pour qu’elles coopèrent avec les Comités d’Urgence Municipaux, et qui acceptait en général la "responsabilité des entreprises" pour solutionner le problème du chômage. Samuel Gompers, président de l’American Federation of Labor (A.F. of L.) se félicita aussi de l’acceptation par le secteur industriel de sa "responsabilité" concernant le chômage, comme résultat suite à cette conférence.

Hoover fit tout ce qu’il pu pour intervenir dans cette récession, tentant de stimuler la construction de maisons et poussant les banques à financer d’avantage les exportations. Heureusement, Harding et le reste du cabinet ne furent pas convaincus des vertus associées à une intervention gouvernementale comme "remède." Mais huit ans plus tard, Hoover allait finalement obtenir sa chance. Comme Lyons le mentionne : "Un précèdent concernant l’intervention du gouvernement dans une dépression économique fut établi, au grand horreur des conservateurs."[21]
C’est une loi sociologique, bien entendu, que lorsqu’un département est mis sur pied par un gouvernement, celui-ci ne meurt jamais. La conférence aboutit à la création de trois comités de recherche, dirigés par une équipe d’experts, avec Hoover au commandement suprême. Un projet porta fruit avec le Planning and Control of Public Works de Leo Wolman, un ouvrage en faveur des travaux publics qui fut publié en 1930. Un deuxième comité publia en 1924 une étude, Opérations Saisonnières dans l’Industrie de la Construction, en coopération avec la division de la construction et de l’habitation du Département du Commerce. Cet ouvrage recommandait la stabilisation saisonnière de la construction, et était en partie le résultat d’une période de propagande organisée par l’American Construction Council, une association de commerce dirigée par Franklin Delano Roosevelt. Sa préface fut écrite par Herbert Hoover.[22] Le projet le plus important fut tune étude sur les cycles économiques, Business Cycles and Unemployment, publiée en 1923.

Hoover invita le Bureau National de Recherche Economique (dirigé par Wesley C. Mitchell) pour effectuer une étude sur le problème entourant la prévision et le contrôle des cycles économiques, et chargea ensuite un Comité sur les Cycles Economiques de faire une ébauche de recommandations pour le rapport. Le président de ce comité était Owen D. Young, et parmi les autres membres on trouvait Edward Eyre Hunt, qui fut secrétaire de la Conférence du Président, Joseph Defrees, Mary Van Kleeck, Clarence Woolley, et Matthew Woll de l’ A.F. of L. Funds puisque le projet fut largement soutenu par la Carnegie Corporation. Wesley C. Mitchell, du Bureau National et de l’AALL, planifia et dirigea le rapport, qui comprenait des chapitres interventionnistes de Mallery et Andrews concernant des travaux publics ainsi que des allocations de chômage, et par Wolman concernant un système d’assurance chômage. Bien que le Bureau National était supposé effectuer une recherche exploratoire uniquement, Mitchell, en discutant du rapport, prôna une "expérimentation sociale."[23]

Entre temps, Hoover ne fut pas oisif sur un front autrement plus direct, le front législatif. Le sénateur W.S. Kenyon de l’Iowa, vers la fin 1921, introduisit un projet de loi que Hoover appuya ; ce projet incarnait les recommandations de la conférence et requiert plus spécifiquement la mise sur pied d’un programme de stabilisation des travaux publics. Lors des auditions de décembre 1921, le projet de loi Kenyon fut supporté par une multitude d’économistes de renom, ainsi que par l’ American Federation of Labor, l’American Engineering Council (dont Hoover avait pris la tête récemment en tant que président), et la Chambre de Commerce des Etats-Unis. L’un des partisans de celle-ci était Wesley C. Mitchell. Ce projet ne fut cependant jamais soumis à un vote, en grande partie à cause d’un scepticisme sain du Sénat qui s’accrochait aux idées du laissez-faire.

Le projet de loi suivant concernant des travaux publics de stabilisation fut le projet Zihlman. Ce projet fut supporté par la National Unemployment League, formée en 1922 à cette fin. Les auditions furent menées dans la Chambre du Comité de l’Emploi en février 1923. Hoover appuya le projet mais celui-ci ne fut pas adopté. Finalement, Hoover présenta le rapport sur les Cycles Economiques et le Chômage devant le Congrès, et recommanda fortement l’instauration d’un programme de travaux publics lors de dépressions. Plus tard, en 1929, le Comité sur les Changements Economiques Récents de Hoover allait aussi supporter des programmes de travaux publics.

En 1924, l’AALL continua son agitation. Elle participa à une conférence nationale qui proposait la planification de travaux publics. La conférence fut convoquée par la Société des Ingénieurs Américains Fédérés en janvier. En 1923, le Wisconsin et le Massachusetts se firent persuader d’adopter un programme de stabilisation par des travaux publics. Le Massachusetts fut directement influencé par le témoignage de Andrews et Mallery, décidemment omniprésents. Ces programmes publics ne se concrétisèrent jamais, mais ils indiquaient quel était le climat ambiant. En janvier 1925, Hoover eut la satisfaction de voir le président Coolidge adopter sa position. S’adressant à l’Association des Contracteurs d’Amérique (un groupe qui ne pouvait qu’être qu’y gagner lors d’un programme gouvernemental de construction), Coolidge en appela à la planification de travaux publics afin de stabiliser les dépressions. Les sénateurs George H. Pepper et James Couzens tentèrent de faire adopter des lois en faveur de la planification de travaux publics en 1925 et 1926, mais ils échouèrent, tout comme le sénateur Wesley Jones lors d’une tentative ultérieure. Jones soumit un projet de loi qui avait été ébauché au sein du département du commerce de Hoover. Le Sénat républicain fut le plus récalcitrant et son obstruction tua l’un de ses projets. Même des rapports favorables de la part du Comité sur le Commerce ne réussirent pas à faire basculer le Sénat. A ce moment, non seulement Hoover et Collidge, mais aussi le secrétaire Mellon, le parti démocrate en 1924, et plus tard le gouverneur de l'état de New York Alfred E. Smith avaient endossé le programme de travaux publics. En mai 1928, le sénateur Robert F. Wagner (D., N.Y.), introduisit trois projets de loi pour des travaux publics planifiés à grande échelle, incluant la création d’un bureau de la stabilisation de l’emploi, mais ce plan ne fut jamais considéré par le Congrès.[24]

Après son élection à la présidence, Hoover devint plus prudent dans sa façon de présenter ses idées, mais il mena le combat avec une vigueur accrue. Sa technique était d’organiser des "fuites" sur le "Plan Hoover" à des associés proches en qui il avait confiance, sachant que ceux-ci allaient exposer son point de vue. Il choisit comme véhicule de ses idées le gouverneur de l’état du Maine Ralph Owen Brewster. Brewster présenta un plan pour des travaux publics à la conférence des gouverneurs vers la fin de 1928 et parla avec éloquence d’un plan destiné à "prévenir les dépression."[25] Son utilisation des mots "Route vers la Prospérité" n’était pas une [24] coïncidence, puisque Hoover avait adopté le plan de messieurs Foster et Catchings, qui avait récemment été décrit dans leur fameux livre, la Route vers la Prospérité (1928). Les auteurs avaient soumis le plan à Brewster et, après avoir obtenu l’endossement de Hoover, Brewster fit entrer le professeur William T. Foster à la Conférence des Gouverneurs en tant que conseiller technique. Foster et Catchings, baromètres de l’inflation et du marché haussier, figures de proue des sous-consommationnistes, avaient été étroitement impliqués dans l’agitation pour les travaux publics. Foster était le directeur de la Fondation Pollak pour des Recherches Economiques, fondée par le banquier d’investissements Waddill Catchings. Le duo avait publié une série de livres fort populaires pendant les années 1920, s’agitant pour l’adoption de panacées comme des travaux publics et une politique d’inflation monétaire.[26]
Bien que sept des huit gouverneurs fussent enthousiastes à propos du plan Hoover-Foster-Catchings, la conférence proposa l’idée. Une grande partie de la presse salua le plan en des termes extravagants, comme "assurance prospérité," une "réserve de prospérité," ou comme un "pacte pour interdire les dépressions"; alors que la plupart des organes conservateurs le ri ridiculisèrent comme une tentative socialiste chimérique pour abolir la loi de l’offre et de la demande. Il n’est pas surprenant que William Green de l’American Federation of Labour salua le plan comme l’annonce la plus importante sur les salaires et l’emploi en une décennie, ou que John P. Frey de l’A.F of L. avait maintenant accepté la vielle théorie de l’A.F of L. que les dépressions sont causées par la sous-consommation et des salaires trop bas.[27] La presse rapporta que "labor juibile, car ses dirigeants croient que le prochain président a trouvé…un remède au chômage qui, au moins dans sa philosophie et ses fondations, est identique à ce que l’ALF défend."[28]

Les liens étroits entre Foster, Catchings et Hoover sont illustrés par les détails de leur propre plan publié en avril 1929. Dans un article intitulé "Le Plan de M. Hoover: Ce que c’est et ce que ce n’est pas- Une nouvelle attaque contre la pauvreté," ils écrivent avec autorité que Hoover devrait utiliser une réserve de stabilisation par les travaux publics non pas de $150 million, comme il a été mentionné souvent au cours des dernières années, mais d’un montant gigantesque de $3 milliards. Ce plan permettrait d’aplanir les prix et les cycles économiques et stabiliser les entreprises. Enfin, la science économique serait utilisée comme arme par un président : "Le Plan . . .est un plan d’affaire qui utilise des mesures précises plutôt que des intuitions. C’est de l’économie pour un âge où l’économie scientifique est digne du nouveau président."[29]

Le Développement de l’Interventionnisme de Hoover: Les Relations de Travail

Nous ne pouvons comprendre entièrement l’effet désastreux de l’interférence de Hoover sur le marché du travail au cours de la grande dépression sans retracer le développement de ses idées et son activité sur ce front pendant les années 1920. Nous avons vu que son programme de reconstruction et sa Conférence Economique de 1920 louangeait les négociations collectives et le syndicalisme. En 1920, Hoover organisa une rencontre d’industriels importants qui avaient une "vision d’avenir " sur les relations de travail. Son but était de les convaincre d’établir des liaisons avec l’ American Federation of Labor ; Hoover échoua cependant.[30] De 1919 jusqu’à 1923, Hoover tenta de persuader les enterprises privées d’assurer l’inassurable en adoptant un programme d’assurance emploi, et en 1925 il fit l’éloge de l’ American Federation of Labor parce qu’elle "exerçait une influence puissante qui stabilisait l’industrie." Il était aussi en faveur d’un amendement interdisant le travail des enfants, ce qui aurait fait baisser le produit national et fait monter les coûts de production ainsi que les salaires des travailleurs adultes en compétition. L’une des activités les plus importantes de Hoover sur le front du travail fut sa guerre victorieuse contre la United States Steel et son président, le juge Elbert H. Gary, une guerre menée comme "une campagne de publicité habile" (des mots d’un admirateur de Hoover) conte les heures de travail "barbares" dans l’industrie de l’acier.[31]Le succès de cette bataille lui facilita, plus tard, grandement la tâche lorsque vint le temps de persuader des entrepreneurs de se plier à ses idées pendant la dépression de 1929. Hoover avait décidé que les 12 heures par jour dans l’industrie de l’acier devaient être éradiqués et remplacés par les huit heures par jour. Il persuada Harding, qui, manquant à son instinct habituel basé sur le laisse faire, accepta de tenir une conférence avec les industriels de l’acier en mai 1922. Au cours de celle-ci Harding et Hoover en appelèrent aux magnats pour qu’ils éliminent la journée de 12 heures. Un biographe et admirateur de Hoover nota avec satisfaction que Hoover créa un sentiment de malaise chez les dirigeants de cette industrie.[32] Il était bien sûr très facile pour Hoover et Harding, qui, de leur tour d’ivoire, n’avaient pas à payer de salaires et organiser la production, de dire aux autres combien d’heures et dans quelles conditions ceux-ci devaient travailler. Hoover avait le support "éclairé" de certains magnats comme Alexander Legge et Charles R. Hook, mais d’autres dirigeants comme Charles M. Schwab, et, bien sûr, le juge Gary, président du conseil de la U.S. Steel et de l’American Iron and Steel Institute s’opposèrent farouchement à lui. La guerre était déclarée.

L’agitation dans l’industrie de l’acier, il faut le mentionner, ne fut pas déclenchée par Hoover. Elle commença en septembre 1919 lorsque Gary refusa d’engager des négociations pour une convention collective avec un syndicat. Les travailleurs déclenchèrent les hostilités et la grève fut menée par le dirigeant communiste William Z. Foster. En janvier 1920 la grève avait échouée et l’opinion publique, qui voyait cette grève comme d’inspiration bolchevique, était plutôt du côté de la U.S. Steel. A ce moment cependant, l’Interchurch World Movement avait nommé une commission d’enquête qui avait émis un rapport favorable aux grévistes en juillet 1920, ce qui relança l’agitation en faveur de la journée de huit heures. [33] Ce rapport déclencha une guerre de propagande alors que les gauchistes du pays tentèrent de faire basculer l’opinion publique. Le révérend A.J. Muste, le Socialist New York Call, Labor, et The Nation apportèrent leur soutien au rapport, alors que les associations d’affaires attaquèrent avec virulence celui-ci. Parmi celles-ci on trouvait l’Association Nationale des Manufacturiers, La Fédération Civique Nationale, le Wall STreet Journal, et plusieurs autres. Plusieurs publications religieuses, cependant, furent persuadées à cause du prestige du comité (un prestige religieux étant apparemment quelque chose qui peut être utilisé pour juger d’affaires relevant du domaine laïque) et changèrent leur position initiale afin de se mettre dans le camp anti-industries.

C’est à ce moment critique que Hoover entra dans la mêlée et persuada le président Harding de se joindre à lui. Hoover "annonça délibérément la nouvelle" de la rencontre infructueuse entre Gary, Schwab, et les autres à la presse. Il dit à la presse que le président Harding "essayait de persuader l’industrie d’adopter une journée de travail raisonnable." [34] Ainsi le gouvernement mobilisa l’opinion publique en faveur des syndicats. En novembre 1922, Hoover s’arrangea pour que la Société Nationale des Ingénieurs – dominée effectivement par Hoover, d’émettre un rapport (qui était en dehors de leur champ de compétences) afin d’endosser la journée de huit heures. Hoover fit l’apologie de ce rapport, en écrivit l’introduction, et persuada Harding de le signer.
Sous la pression présidentielle, le juge Gary forma un comité de l’industrie de l’acier, qu’il dirigeait, afin d’étudier la question. Le rapport du comité, publié le 25 mai 1923, rejetait unanimement la demande d’une journée de huit heures.

La U.S. Steel répliqua aussi au rapport du Mouvement Inter-Confessionel par le biais de Marshall Olds, qui se fit endosser par un économiste proéminent, le professeur Jeremiah W. Jenks. Des attaquent pleuvèrent de toute part contre l’industrie de l’acier. On oublia l’argument principal utilisé par la U.S. Steel, soit que les travailleurs préféraient la journée de 12 heures à cause des revenues plus élevés qu’ils en retiraient et que la production souffrirait avec un horaire de huit heures. [35]

Ceci et d’autres arguments furent balayés par la vague d’émotivité crée dans ce cas. Les forces de l’évangile social hurlèrent des anathèmes; "justice sociale" et "action sociale"; des comités de protestants, de catholiques et des organisations juives se joignirent dans une clameur commune au sujet de questions dont ils ne connaissaient à peu près rien. Attachant un codicille, quantitatif au code moral de la bible, ils n’hésitèrent pas à déclarer que 12 heures par jour était "moralement indéfendable." Ils n’élaborèrent pas pour expliquer pourquoi la chose était soudainement devenue "moralement indéfendable" et pourquoi cela, et même des quarts de travail encore plus long, ne furent pas moralement indéfendables au cours des siècles précédents. Car si la chose était aussi répréhensible auparavant, ceci voudrait dire qu’étrangement les générations précédentes d’hommes d’église avaient fermé les yeux sur ce prétendu péché; si non, un curieux relativisme historique se voyait mélangé aux présumées vérités éternelles de la bible.

L’American Association for Labor Legislation entra bien entendu dans la mêlée, et menace de faire pression pour qu’une loi fédérale sur le nombre d’heures maximal soit adoptée si l’industrie de l’acier ne capitulait pas devant ses demandes. Mais la rebuffade la plus cinglante envers Gary fut donnée par le président Harding le 18 juin dans une lettre écrite qu’il rendit publique. Face aux exigences publiques de Harding, Gary capitula finalement en juillet, permettant ainsi à Hoover d’écrire une notice de triomphe dans le discours fait par Harding lors du jour de la célébration de l’indépendance.

La victoire du tandem Hoover-Harding sur la U.S. Steel mata effectivement les industries, qui, face à cette leçon, ne se sentaient plus le courage de combattre une combinaison puissante de pressions provenant du public et du gouvernement. [36] Ceci ne calma pas Hoover est sa politique interventionniste dans le marché du travail au cours des années 1920. Hoover joua un rôle majeur en favorisant les syndicats de chemins de fer, et en refilant à l’industrie ferroviaire le Railway Labor Act, la première loi de l’histoire des Etats-Unis qui occasionnait une incursion fédérale majeure permanente dans les relations de travail. Le problème des chemins de fer avait commencé durant la première guerre mondiale, alors que le gouvernement fédéral avait saisi ce système et en avait pris le contrôle. Menées par le secrétaire au trésor McAdoo, les politiques gouvernementales étaient d’encourager la syndicalisation. Après la fin de la guerre, les syndicats de ce secteurs tentèrent du mieux qu’ils purent de perpétuer ce bastion de socialisme, et firent la promotion du plan Plumb, qui en appelait à une gestion commune de ce système par les employeurs, les syndicats et le gouvernement.

Le système de chemins de fer fut retourné à l’entreprise privée en 1920, mais le Congrès donna un dangereux suçon pour amadouer les syndicats en établissant le Railroad Labor Board , avec une représentation tripartite, pour régler toutes les disputes. Les décisions de ce conseil n’avaient pas force de loi, mais elles pouvaient exercer une pression excessive sur l’opinion publique. Les syndicats furent ravis de cet arrangement, jusqu’à ce que les représentants du gouvernement entrevoient les lumières des vérités économique pendant la dépression de 1921, et qu’ils recommandent une réduction des salaires. Une grève à l’échelle nationale fut déclenchée afin de défier la réduction proposée pendant l’été de 1922. Alors que le procureur général Daugherty agit de façon compétente pour supporter les droits de la personne et le droit à la propriété en obtenant une injonction contre l’utilisation de la violence, M. hoover, "horrifié," avec à ses côté le pleurnichant secrétaire d’état Hughes, persuada Harding de forcer Daugherty de retirer son injonction. Hoover intervint aussi en privé mais avec insistance pour soutirer des concessions pro syndicales des compagnies de chemin de fer.

Après que les syndicats eurent perdu leur grève, ils décidèrent de réécrire la loi afin d’avoir gain de cause en comptant sur la coercition du gouvernement fédéral. A partir de 1923, les syndicats se battirent pour une loi imposant l’arbitration. Ils obtinrent finalement gain de cause en 1926 avec l’adoption du Railway Labor Act qui garantissait des négociations collectives pour les syndicats de chemin de fer. Le projet de loi fut ébauché par les avocats pro-syndicat Donald Richberg et David E. Lilienthal, et aussi par Herbert Hoover, qui fut à l’origine de l’idée de créer le Conseil de Médiation des Chemins de Fer. Voyant le support croissant pour une telle loi et attiré par la promesse d’éliminer les grèves, les compagnies de chemin de fer capitulèrent pour la plupart et acquiescèrent. Cette loi – le premier pas de géant vers la collectivisation des relations de travail- fut combattu uniquement par quelques compagnies de chemin de fer prévoyantes et par l’Association Nationale des Manufacturiers. [37]

Pire encore que l’attitude pro syndicale de Hoover était son opinion sur les salaires. Hoover avait embrassé la nouvelle théorie voulant que des salaires élevés soient une cause importante de prospérité. La notion que l’Amérique était plus prospère que les autres nations parce que ses employeurs offraient généreusement des salaires élevés se répandit pendant les années 1920. D’après cette théorie les travailleurs avaient ainsi le pouvoir d’achat pour permettre aux entrepreneurs d’écouler leur marchandise. Alors qu’en fait des salaires réels élevés sont la conséquence d’une plus grande productivité et d’un plus grand investissement en capital, cette théorie met la carriole devant le cheval en affirmant que les salaires élevés sont la cause d’une plus grande productivité et d’un niveau de vie élevé. Il en découlait, bien entendu, que les salaires élevés devaient être maintenus, voir même augmentés, pour éviter toute menace de dépression. Hoover commença à se faire le champion de cette théorie lors de la Conférence sur le Chômage en 1921. Les employeurs du côté manufacturier du comité voulaient faire la promotion de coupures de salaires pour diminuer le chômage, mais Hoover réussit à tuer cette recommandation.[38] Vers le milieu des années 1920, Hoover trompetait les vertus de la "nouvelle science économique" et attaqua les partisans de "l’ancienne vision économique" qui résistaient à la nouvelle dispense. Dans un discours du 12 mai 1926, le secrétaire Hoover répandit l’évangile des salaires élevés qui allait s’avérer si désastreux quelques années plus tard :[39]

«  Il y a quelques années à peine l’employeur considérait qu’il était dans son intérêt d’utiliser les opportunités crées par le chômage et l’immigration pour abaisser les salaires sans égard à d’autres considérations. Les salaires les plus bas et les heures de travail les plus longues étaient alors considérés comme le moyen d’obtenir les coûts de production les plus bas et les profits les plus élevés…Mais nous sommes maintenant bien avancés sur la voie du nouveau concept. L’essence même d’une productivité élevée réside dans des salaires élevés et des prix bas, parce que celle-ci s’obtient en élargissant… ;e champ de la consommation, qui ne s’obtient qu’avec le pouvoir d’achat de salaires réels élevés et un niveau de vie élevé.

Hoover n’était pas le seul à célébrer la "nouvelle science économique." Le Conseil de la Conférence Nationale sur l’Industrie rapporte que, si pendant la dépression de 1920-1921 les salaires chutèrent temporairement de 19 pourcent en un an, la théorie des salaires élevés avait fait son chemin depuis.
De plus en plus de gens adoptaient la théorie selon laquelle des coupures de salaires allaient diminuer le pouvoir d’achat et prolonger la dépression, alors que des salaires élevés allaient rapidement tirer les entreprises du marasme. Cette doctrine, ainsi que la théorie selon laquelle des salaires élevés causaient la prospérité, était prêchée par beaucoup d’industriels, d’économistes, et de dirigeants syndicaux pendant les années 1920.[40] Le Conference Board rapporta que "On a beaucoup entendu parler sur l’aube d’une nouvelle ère où les dépressions majeures ne pourraient plus prendre place." Et le professeur Leo Wolman a déclaré que la théorie prédominante dans les années 1920 était que "des salaires élevés étaient nécessaires pour obtenir un flot continu du pouvoir d’achat et par conséquent la prospérité des entreprise.[41]

Comme complément final à la fameuse conférence de 1921, le Comité sur les Changements Economiques Récents de Hoover publia un rapport en plusieurs volumes sur l’économie américaine de 1929. Une fois de plus, l’enquête de base fut menée par le National Bureau. Ce comité ne vit absolument pas venir la dépression. Au contraire, il salua la stabilité des prix au cours des années 1920 ainsi que les salaires plus élevés. Il célébra le boom sans réaliser qu’il s’agissait d’un chant du cygne : "avec des salaires qui augmentent et des prix relativement stables nous sommes devenus des consommateurs de ce que nous produisons à un degré jamais réalisé auparavant." Le comité était d’accord pour dire que tout de suite après la fin de la guerre, il y eut des appels de réactionnaires pour la "liquidation" du travail et son ajustement à des standards qui existaient avant la guerre. Mais peu après, les "meneurs d’opinion de l’industrie" virent que des salaires élevés permettaient de maintenir le pouvoir d’achat, qui en retour assurait la prospérité.

Ils commencèrent consciencieusement à répandre le principe des salaires élevés et des coûts bas comme une pratique industrielle éclairée. Ce principe a, depuis, attiré l’attention des économistes de par le monde – son application à grande échelle, était une chose nouvelle.[42] Ce changement dans le climat industriel, selon le comité, survint en quelques années seulement, surtout à cause de l’influence de la Conférence sur le Chômage. Vers l’automne 1926, le magnat de l’acier Eugene Grace se faisait déjà le vecteur de la bonne parole dans le Saturday Evening Post. [43]

Les conclusions du comité économique de Hoover étaient un mauvais pressage en soi. Pour "maintenir l’équilibre dynamique" au cours des années 1920, déclara-t-il, un certain leadership doit être exercé afin de fournir de plus en plus de "de contrôle et d’attention publique." En fait, "des recherches et des études, la classification ordonnée du savoir…peut rendre possible le contrôle du système économique." Pour maintenir l’équilibre, "Nous devons développer une technique menant vers l’équilibre," une technique qui sera fournie par les économistes, les statisticiens, les ingénieurs, tous travaillant en harmonie."

Ainsi, le président Hoover, à la veille de la grande dépression, était prêt à affronter toute tempête pouvant s’abattre sur l’économie du pays.[44] Hoover, le "Grand Ingénieur," se tenait debout, armé jusqu’aux dents d’une panoplie d’outils puissants que la "nouvelle science économique" lui fournissait. Débarrassé du credo désuet du laissez-faire, il allait utiliser ses outils "scientifiques" avec audace afin d’amener le cycle économique sous contrôle gouvernemental. Comme nous allons le voir, Hoover ne manqua pas d’employer rapidement et de façon vigoureuse ses principes politiques "modernes" et les nouveaux "outils scientifiques" que lui fournissaient les économistes "modernes". Et, conséquemment, l’Amérique fut amenée à genoux comme jamais elle ne le fut auparavant. Mais par une ironie du sort, la situation catastrophique qui prévalait lorsque Hoover quitta son poste dans la disgrâce fut attribuée par les critiques démocrates à sa dévotion aux principes désuets du laissez-faire.

Notes

1
Pour apprécier l’importance de ce fait dans l’histoire monétaire des Etats-Unis, voir Vera C. Smith, The Rationale of Central Banking (London: P.S. King and Son, 1936).
2
De son discours d’acceptation du 11 août et son discours électoral à Des Moines le 4 octobre. Pour un récit complet des discourse de Hoover et son programme anti-dépression, voir William Starr Myers et Walter H. Newton, The Hoover Administration (New York: Scholarly Press, 1936), part 1; William Starr Myers, ed., The State Papers of Herbert Hoover, (New York. 1934), vols. 1 and 2. Also see Herbert Hoover, Memoirs of Herbert Hoover (New York: Macmillan, 1937), vol. 3.
3
Voir Joseph Dorfman, The Economic Mind in American Civilization (New York: Viking Press, 1959), vol. 14, p. 27.
4
Hoover, Memoirs, vol. 2, p. 29. La rhétorique evasive de Hoover est typique: "J’ai insisté afin que ces ameliorations soient faites sans le contrôle du gouvernement lorsque possible, mais le gouvernement doit coopérer par des recherches, un leadership intellectuel [sic], et la prohibition de l’abus de pouvoir."
5
Voir. Arthur M. Schlesinger, Jr., The Crisis of the Old Order, 1919-1933 (Boston: Houghton Mifflin, 1957), pp. 81ff.; Harris Gaylord Warren, Herbert Hoover and the Great Depression (New York: Oxford University Press, 1959), pp. 24ff.
6
Hoover se rappelle que l’"extrême droite" était hostile à ces propositions –on peut le comprendre-, particulièrement la chambre de commerce de Boston. Voir aussi Eugene Lyons, Our Unknown Ex-President (New York: Doubleday, 1948), pp. 213-14.
7
Hoover à Wesley C. Mitchell, 29 juillet 1921. Lucy Sprague Mitchell, Two Lives (New York: Simon and Schuster, 1953), p. 364.
8
Warren, Herbert Hoover and the Great Depression, p. 26.
9
Voir Hoover, Memoirs, vol. 2; Warren, Herbert Hoover and the Great Depression; et Lloyd M. Graves, The Great Depression and Beyond (New York: Brookmire Economic Service, 1932), p. 84.
10
Hoover, Memoirs, vol. 2, pp. 41-42.
11
Voir Joseph H. McMullen, "The President's Unemployment Conference of 1921 and its Results" (these de maitrise non publiée, Columbia University, 1922), p. 33.
12
Voir Graves, The Great Depression and Beyond.
13
Voir E. Jay Howenstine, Jr., "Public Works Policy in the Twenties," Social Research (December, 1946): 479-500.
14
Voir Lyons, Our Unknown Ex-President, p. 230.
15
En réalité, les travaux publics ne font que prolonger la dépression et aggravent le problème du mal-investissement, et intensifient la pénurie d’économies en gaspillant d’avantage de capital. Ils prolongent aussi le chômage en poussant à la hausse les salaires. Voir Mises, Human Action (New Haven, Conn.: Yale University Press, 1949), pp. 792-94.
16
Le paiement de salaires de charité à un niveau aussi élevé que celui du marché de l’emploi commença lors de la dépression de 1893; les travaux publics comme remède à la dépression commencèrent au niveau municipal pendant la récession de 1914-1915. Le secrétaire du Comité sur le Chomage du maire John Purroy Mitchell de New York demanda avec insistence des travaux publics en 1916, et Nathan J. Stone, statisticien en chef du U.S. Tariff Board, demanda qu’on établisse une réserve nationale pour les travaux publics et l’emploi en 1915. Tout de suite après la guerre, les gouverneurs Alfred E. Smith de New York et Governor Frank O. Lowden de l’Illinois demandèrent l’isntauration d’un programme de stabilisation du travail par les travaux publics. Voir Raphael Margolin, "Public Works as a Remedy for Unemployment in the United States" (these de maitrise non publiée, Columbia University, 1928).
17
McMullen, "The President's Unemployment Conference of 1921 and its Results," p. 16.
18
La Pennsylvanie avait mis sur pied le premier programme de stabilisation par les travaux publics en 1917, celui-ci fut largement inspire par Mallery; il fut largement aboli. Mallery fut aussi nommé à la tête de la nouvelle Division du Développement de Travaux Publics par les Etats et les Villes pendant la période de transition sous l’administration Wilson. Voir Dorfman, The Economic Mind in American Civilization," vol. 4, p. 7.
19
Voir John B. Andrews, "The President's Unemployment Conference-Success or Failure?" American Labor Legislation Review (December, 1921): 307-10. Voir aussi "Unemployment Survey," , meme référence, pp. 211-12.
20
American Labor Legislation Review (March, 1922): 79. D’autres officials de l’AALL étaient: Jane Addams, Thomas L. Chadbourne, le professeur John R. Commons, le professeur Irving Fisher, Adolph Lewisohn, Lillian Wald, Felix M. Warburg, Woodrow Wilson, et Rabbi Stephen S. Wise.
21
Lyons, Our Unknown Ex-President, p. 230.
22
l’American Construction Council fut formé en réponse au harcèlement de l’industrie de la construction de New York par les autorités fédérales et de l’état pendant la dépression de 1920-1921. Le gouvernement accusa l’industrie de "fixer les prix" et de faire un "profit excessif." Hoover et Roosevelt ensemble formèrent le Conseil pendant l’été de 1922 afin de stabiliser et organiser l’industrie. Le but était d’imposer un cartel sans le secteur de la construction, imposer plusieurs codes d’opération et d’éthique, et de planifier pour l’industrie en entier. Franklin Roosevelt, en tant que président de ce conseil, profita de plusieurs plateformes pour dénoncer la recherche du profit et l’individualisme rude. Le The "code pour des pratiques honnêtes" était une idée de Hoover. Voir Daniel R. Fusfeld, The Economic Thought of Franklin D. Roosevelt and the Origins of the New Deal (New York: Columbia University Press, 1956), pp. 102ff.
23
Wesley C. Mitchell, "Unemployment and Business Fluctuations," American Labor Legislation Review (March, 1923): 15-22.
24
Les économistes, homes d’affaires, et autres dirigeants avaient jusqu’à maintenant servi au sein de l’American Association for Labor Legislation, en plus des noms cités plus haut: Ray Stannard Baker, Bernard M. Baruch, Mrs. Mary Beard, Joseph P. Chamberlain, Morris Llewellyn Cooke, Fred C. Croxton, Paul H. Douglas, Morris L. Ernst, Herbert Feis, S. Fels, Walton H. Hamilton, William Hard, Ernest M. Hopkins, Royal W. Meeker, Broadus Mitchell, William F. Ogburn, Thomas I. Parkinson, Mrs. George D. Pratt, Roscoe Pound, Mrs. Raymond Robins, Julius Rosenwald, John A. Ryan, Nahum I. Stone, Gerard Swope, Mrs. Frank A. Vanderlip, Joseph H. Willits, et John G. Winant.
25
Ralph Owen Brewster, "Footprints on the Road to Plenty-A Three Billion Dollar Fund to Stabilize Business," Commercial and Financial Chronicle (November 28, 1928): 2527.
26
Le plan Foster-Catchings Plan en appellait à l’organisation d’un programme de travaux publics de $3 milliards afin d’aplanir les cycles économiques et stabiliser les prix. Les actions individuelles, avaient decide les auteurs, peuvent avoir du bon, mais dans une situation de la sorte "nous devons avoir un leadership collectif ." William T. Foster et Waddill Catchings, The Road to Plenty (Boston: Houghton Mifflin, 1928), p. 187. Pour une critique brillante des theories sous-consommationistes de Foster et Catchings, voir F.A. Hayek, "The 'Paradox' of Savings," dans Profit, Interest, and Investment (London: Routledge and Kegan Paul, 1939), pp. 199-263.
27
Voir Dorfman, The Economic Mind in American Civilization, vol. 4, pp. 349-50.
28
"Hoover's Plan to Keep the Dinner-Pail Full," Literary Digest (December 8, 1928): 5-7.
29
William T. Foster et Waddill Catchings, "Mr. Hoover's Plan-What It Is and What It Is Not-The New Attack on Poverty,", Review of Reviews (April, 1929): 77-78. Pour une etude élogieuse d’un official du AALL des politiques de Hoover en faveur de travaux publics pendant les années 1920, voir George H. Trafton, "Hoover and Unemployment," American Labor Legislation Review (September, 1929): 267ff.; et idem, "Hoover's Unemployment Policy," American Labor Legislation Review (December, 1929): 373ff.
30
Irving Bernstein, The Lean Years: A History of the American Worker, 1920-1933 (Boston: Houghton Mifflin, 1960), p. 147. Aussi tôt qu’en 1909, Hoover avait qualifié les syndicates d’ "antidote approprié contre les organisaitons capitalistes au pouvoir illimité," ibid., p. 250.
31
Warren, Herbert Hoover and the Great Depression, p. 28.
32
Lyons, Our Unknown Ex-President, p. 231.
33
Voir Marshall Olds, Analysis of the Interchurch World Movement Report on the Steel Strike (New York: G.P. Putnam and Sons, 1922), pp. 417ff.
34
Lyons, Our Unknown Ex-President, p. 231.
35
On oublie aussi que les salaires faisaient partie de cette dispute en plus des heures de travail. Les travailleurs voulaient des heures plus courtes avec des "salaires appropriés," ou comme le Inquiry Report le dit, "des salaires donnant un minimum de confort"-en gros, ils voulaient un taux horaire plus élevé. Voir Samuel Yellen, American Labor Struggles (New York: S.A. Russell, 1956), pp. 255ff.
36
Sur l’épisode des douze heures, voir Frederick W. MacKenzie, "Steel Abandons the 12-Hour Day," American Labor Legislation Review (September, 1923): 179ff.; Hoover, Memoirs, vol. 2, pp. 103-04; et Robert M. Miller, "American Protestantism and the Twelve-Hour Day," Southwestern Social Science Quarterly (September, 1956): 137-48. Au cours de la même année, le gouverneur Pinchot de la Pennsylvanie força les mines d’anthracite de l’état à adopter la journée de huit heures.
37
Pour un récit pro-syndical de cette affaire, voir Donald R. Richberg, Labor Union Monopoly (Chicago: Henry Regnery, 1957), pp. 3-28; voir aussi Hoover, Memoirs, vol. 2.
38
Voir McMullen, "The President's Unemployment Conference of 1921 and its Results," p. 17.
39
Hoover, Memoirs, vol. 2, p. 108.
40
L’un de ces industriels était le même Charles M. Schwab, dirigeant de la Bethlehem Steel, qui avait combattu avec acharnement Hoover lors de la dispute entourant la journée de huit heures. Donc, au début de 1929, Schwab acquiesçait à l’idée que pour avoir une prospérité permanente, il fallait "payer les ouvriers les salaires les plus élevés possibles." Commercial and Financial Chronicle 128 (January 5, 1929): 23.
41
National Industrial Conference Board, Salary and Wage Policy in the Depression (New York: Conference Board, 1932), p. 3; Leo Wolman, Wages in Relation to Economic Recovery (Chicago: University of Chicago Press, 1931), p. 1.
42
Committee on Recent Economic Changes, Recent Economic Changes in the United States (New York: McGraw-Hill, 1929), vol. 1, p. xi.
43
Committee on Recent Economic Changes, Recent Economic Changes in the United States, (New York: McGraw-Hill, 1929), vol. 2; Henry Dennison, "Management," p. 523.
44
Un autre avant-goût important du National Recovery Act (NRA) de Roosevelt fut l’utilisation par Hoover du Département du Commerce pendant les années 1920 pour aider les associations de commerce à établir des "codes," endossés par la Federal Trade Commission (FTC) afin de réduire la compétition en utilisant comme prétexte des pratiques "malhonnêtes" de commerce.

 



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